vendredi 13 avril 2012

Laurent SIEURAC


Arlésien de naissance et de cœur, Laurent Sieurac est un auteur de BD au parcours atypique. En effet, il commence à suivre des études de chimie physique, obtenant en cette matière une maîtrise auprès de la faculté de Marseille, avant de décider que finalement, c'est à la bande dessinée qu'il a envie de se consacrer. Cette décision est d'autant plus audacieuse que c'est en autodidacte qu'il apprend le dessin. Ce choix s'avère judicieux puisque son premier album, Le chant du Kharilion, premier tome de la série Les Prophéties d'Elween, est édité en 2000 chez Clair de Lune, alors qu'il n'a que 26 ans. Douze ans plus tard, c'est près d'une quinzaine d'albums qu'il a à son actif. L'heroic-fantasy constitue son genre de prédilection (Les prophéties d'Elwenn, le cycle des Princes d'Arclan, la Geste des Chevaliers Dragons, l'Assassin Royal), mais en 2009, il se lance dans la bande dessinée historique (avec Arelate), qui raconte le destin de Vitalis, tailleur de pierres dans l'Arles romaine, et qu'il traite de manière très exigeante du point de vue de la rigueur historique, tant sur le plan du dessin que du scénario. Parallèlement, il illustre l'adaptation en bande dessinée du roman de Patrick WeberLes Racines de l'ordre noir, qui mêle l'univers de la Seconde Guerre mondiale et celui des Vikings.

Q: La bande dessinée est manifestement une passion, et dévorante puisque vous êtes dessinateur, scénariste mais aussi éditeur avec
Arelate. Racontez-nous comment on se lance dans une telle entreprise sans formation ad-hoc et avec un bagage de chimiste ?



Je dirais l'envie de ne pas passer à côté de quelque chose et surtout de ne pas le regretter le restant de sa vie. Ma maîtrise de Chimie Physique en poche à 22 ans, je me suis dit que je n'avais pas grand-chose à perdre si je tentais d'aller dans une autre direction. J'ai passé le concours d'entrée aux Beaux-Arts, et j'en suis sorti un peu plus de 2 ans plus tard. J'ai vite réalisé que ce n'était pas ce que je voulais, mais j'y ai appris deux-trois choses qui m'ont été utiles par la suite et surtout, j'ai mis à profit une bonne partie de ma troisième année pour écrire et dessiner le premier tome des Prophéties Elween. Entre temps, j'avais fait la rencontre de Pierre Leoni qui se lançait dans l'édition. Après, j'ai alterné BD, service militaire, storyboardeur dans un studio de Dessins Animés, animateur dans un autre et rapidement la BD est devenu mon principal, sinon unique, travail à plein temps.


Se lancer dans l'auto-édition, même si c'était via un label déjà existant était quelque chose de complètement naturel dans mon parcours finalement et le projet Arelate était parfait pour cela.

Q: Vous dessinez dans un style réaliste. Quels sont vos maîtres et vos influences ?

Principalement des illustrateurs de comics tel que John Byrne ou John Buscema et le travail des encreurs/embellishers philippins tel que Rudy Nebres, Alfredo Alcala ou bien encore DeZuniga. En franco-belge, j'ai découvert bien après Moebius ou Loisel par le biais d'un ami fan de ces auteurs.
Assez paradoxalement, j'ai vraiment très peu dessiné d'après modèle vivant lorsque j'étais aux Beaux-arts (l'une des nombreuses choses que l'on pourrait leur reprocher!) et j'ai profité de mon retour sur Arles pour en prendre au sein d'une association. Cela m’a permis de pas mal évoluer à ce niveau-là et actuellement je n'hésite pas à travailler d'après photos pour avoir des posings plus naturels.

Q: Vous êtes passionné d'heroic-fantasy semble-t-il. Outre Hobb et son Assassin Royal, quels sont vos auteurs préférés dans ce domaine ?

Je n’ai pas réellement d'auteurs préférés étant donné que j'en découvre sans cesse, mais je dois bien reconnaitre que David Gemmell a une petite place de choix ! Tolkien, forcément, tout comme David Eddings. J'ai dévoré l'intégralité de La Compagnie Noire de Cook dont j'aime beaucoup l'écriture, tout comme les G.R.R Martin, même s'il y a un vrai coup de mou entre les tomes 7 et 11 de son Trône de Fer, je dirais par contre que j'ai réellement retrouvé la fraicheur des premiers tomes en lisant dernièrement ses deux nouvelles . Sinon, j'ai vraiment adoré Sarah ASH avec les Larmes d'Artamon, l'Ange du Chaos de Michel Robert ainsi que les Seigneurs des Runes de David Farland. Bref, beaucoup de très bonnes choses en rayon Héroic-Fantasy et malheureusement, je n'ai pas forcement le temps nécessaire pour lire autant que je le souhaiterais !

Q: Arelate apparait comme une parenthèse dans votre travail. C'est une bande-dessinée qui ne vous autorise guère de liberté ou de fantaisie puisque s'agissant de la description du monde dans lequel évolue Vitalis, vous avez fait le choix de l'exactitude quasi-documentaire. Serait-ce une sorte de défi que vous vous êtes lancé et dans l'affirmative pourquoi ?

Je ne sais pas si c'est un défi mais en tout cas, c'était une véritable envie de me lancer dans cette aventure historique, avec Alain Genot pour m'épauler dans l'écriture. Nous nous sommes imposés pas mal de choses, mais au final, loin de nous castrer, c'est quelque chose qui est vraiment stimulant, je trouve, et nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes. L'exactitude documentaire est finalement source d'inspiration et souvent, nous apporte un ressort scénaristique que nous n'aurions même pas osé imaginer. Actuellement, je suis en pleine écriture du synopsis du tome 3 et je fais apparaître pas mal de choses issues directement des découvertes Archéologiques faites par Alain et ses collègues Archéologues.
Le travail d'écriture se nourrit de ce que ses gens découvrent quotidiennement et finalement cela me permet de découvrir au fur et à mesure ce que vont devenir mes personnages. Alors certes, il y a une trame générale, mais ces fouilles nous permettent de vraiment donner du corps et une âme à nos héros.
Loin d'être un carcan, cette démarche très rigoureuse nous permet paradoxalement de proposer quelque chose de vraiment différent de ce que font mes collègues dans ce même registre, où finalement leurs BDs antiques ne sont que les vaisseaux des éternels poncifs du genre, les légions, l'empereur, les orgies, les pseudos combats de gladiateurs qui font systématiquement penser à des combats d'Héroic-Fantasy mal documentés.... on empoisonne et on tue à foison, le vice et la luxure sont quasi systématiquement les choses qui sont mises en avant. Au final, j'ai souvent l'impression de lire les mêmes choses, le talent du dessinateur faisant parfois la différence mais scénaristiquement parlant, c'est souvent un ersatz d'ersatz.

Q: Les comics américains et les super-héros vous intéressent. Peut-on espérer vous voir vous lancer dans cet univers ?

Peut-être. Même si ce n'est pas vraiment une priorité, ni réellement un objectif pour moi. Si l'opportunité venait à se présenter pour quelques numéros, pourquoi pas ? Mais je ne suis pas sûr de vouloir faire réellement la démarche. L'univers partagé des super-héros est en lui-même intéressant et ça pourrait être en effet sympa d'apporter ma petite pierre à l'édifice, mais en tout cas pas forcement sur du long terme. Par contre ce qui m'intéresse vraiment, c'est le rythme de 20 pages par mois qui permet vraiment de développer les personnes et les situations dans lesquelles ils évoluent ce qui en franco-belge, même avec un rythme de parution au mieux tous les 6 mois, est plutôt difficile.


Q: Vous n'avez jamais assuré jusqu'à présent la mise en couleurs de vos albums. Cela ne vous tente pas ?

En fait j'ai réalisé la mise en couleurs des trois tomes des Prophéties Elween.
A la base, Christian Favrelle avait fait les couleurs du premier tome sous la vigilance intrusive de l'éditeur et du coup, pour m'affranchir de son influence sur celles-ci, j'avais décidé de les faire à partie du tome 2. Le fait que j'ai ensuite redessiné une partie du tome 1 m'a obligé à refaire les couleurs du tome 1.

Actuellement sur Arelate, je fais les planches au Sépia et elles seront imprimées telles quelles. Pour Eric le Rouge, je procède un peu de la même manière, mais au Lavis cette fois et un coloriste passera après moi pour la couleur. Cela me permet en fait de poser la lumière de donner bien plus de profondeur qu'en encrant normalement. Cela permettra quelque chose de bien plus proche de mon dessin que lors d'une mise en couleurs plus classique où le rendu des vêtements donne souvent au final l'impression que mes perso portent tous une armure bien rigide!

Q : Sur votre blog, vous faites partager la création des premières planches d'
Eric le rouge. Votre nouvelle série ? Et quels sont vos autres projets ?


En effet, Eric le Rouge est actuellement en chantier et plutôt avancé puisqu'il est tout storyboardé, à moitié crayonné et que les 9 premières pages sont encrées et passées au lavis. Au rythme actuel, en juillet prochain, l'album sera bouclé.

Les autres projets se limitent pour le moment au tome 3 d'Arelate dont le scénario est en cours d'écriture, même si lorsque j'ai un peu de temps dans mon emploi du temps de ministre, je jette sur le papier la trame des suites possibles aux Prophéties Elween, par exemple.

Merci Laurent SIEURAC pour cette interview et le temps que vous nous avez consacré.

Alain HERBAUT.

Le Blog de Laurent SIEURAC

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